La XXIIIe Nuit des Molières sacre le classique avec trois trophées à "Coriolan" de Shakespeare

La XXIIIe Nuit des Molières sacre le classique avec trois trophées à "Coriolan" de Shakespeare

Avec trois Molières, "Coriolan" de Shakespeare, monté par le TNP/Villeurbane, a dominé la Nuit des Molières, talonnée par "Des gens" de Zabou Breitman et la pièce comique "Cochons d'Inde" de Sébastien Thiéry, qui empochent chacune deux statuettes. Une XXIIIe édition qui a vu dimanche soir la réconciliation du théâtre classique, de l'originalité et du théâtre populaire au cours d'une cérémonie rythmée par les élans lyriques de Frédéric Mitterand et les facéties de Laurent Baffie.

"Coriolan", un pur produit du théâtre public (TNP de Villeurbanne), a fait carton plein avec le Molière du théâtre public, celui du metteur en scène et celui du comédien dans un second rôle. Un ravissement pour Christian Schiaretti, patron du TNP et metteur en scène lauréat, qui a rappelé à la tribune le rôle du théâtre public comme lien social, notamment en province.

A la fois adaptatrice, interprète et metteur en scène de la pièce "Des gens", Zabou Breitman a réussi un pari risqué avec cette création inspirée de deux oeuvres de Raymond Depardon. En souhaitant montrer "la vie des gens, leur quotidien et la vraie vie de vrais gens".

Sobriété pour la tragédienne Anne Alvaro, Molière de la comédienne, pour son rôle dans "Gertrude (Le cri)". "Un rôle pour lequel j'ai eu un grand appétit et qui m'a donné un grand bonheur", a-t-elle dit en recevant sa statuette à l'effigie de Molière.

Recevant le trophée du comédien, Patrick Chesnais a tenté "de faire court". L'acteur de 62 ans a sobrement dédié son trophée à son fils Ferdinand, brutalement disparu dans un accident de la route, non sans avoir précédemment remercié ses confrères de la pièce "Cochons d'Inde" -dont sa femme Josiane Stoléru (nominée malheureuse dans la catégorie comédienne).

La pièce a également raflé le trophée de la pièce comique, un genre qui n'avait pas été récompensé depuis 2002. Véritable clin d'oeil à la crise, cette création mise en scène par Anne Bourgeois raconte les déboires d'un nouveau riche (Patrick Chesnais) en victime de la mondialisation, se rendant compte lors d'un retrait à sa banque que celle-ci était devenue indienne. La pièce, montée au Théâtre-Hébertot a rencontré un beau succès public, en dépit de critiques mitigées.

Monique Chaumette, sacrée comédienne dans un second rôle, a aussi tenu à dédier son trophée à autre un cher disparu, en l'occurrence son mari Philippe Noiret.
"On n'est pas sorti de l'auberge ! Elle va nous faire la grosse tête", lui a-t-elle fait dire.

Molière du comédien dans un second rôle, Roland Bertin, 79 ans, l'a emporté pour son rôle du sénateur dans "Coriolan" de Shakespeare. Le comédien rompu aux classiques s'est décrit comme "une antiquité qui veut encore mordre", au vu des nombreux lauréats issus de la jeune génération. Il a été salué par une ovation debout, reconnaissant avoir été "verni" par le métier. Jean-Claude Grumberg, Molière de l'auteur francophone pour "Vers toi terre promise", a également été ovationné.

Sacrée révélation théâtrale avec son alter ego David Lescot, la pétillante Aude Briant a rendu hommage aux actrices au chômage, à celles qui "comme Soeur Anne, ne voient rien venir". Contrairement à ce qu'avaient demandé les organisateurs, les deux jeunes comédiens ont largement dépassé le temps réglementaire imparti aux remerciements, au grand dam de Laurent Baffie.

L'humoriste devait faire respecter ce point à l'aide d'un appareil censé électrocuter les contrevenants. Il était intervenu en début d'émission à l'instar d'un "chauffeur de salle" et a ainsi prodigué conseils et astuces à l'assistance pour en finir avec une cérémonie "longue et chiante". Pour ce faire, il n'a pas hésité à faire chanté à toute l'assistance, ministre de la Culture incluse, la chanson populaire "Ah, le petit vin blanc".

Très entreprenant, il a aussi pris sur lui de remettre un trophée honorifique à Line Renaud pour l'ensemble de sa carrière, à la grande surprise de la récipiendaire, incrédule, vue dans "Très chère Mathilde" au Théâtre Marigny, et à qui il a fallu amener son trophée à sa place, jusque dans la salle.

En plus du traditionnel hommage aux disparus de l'année sous forme d'un montage, un ajout a aussi été fait par Frédéric Mitterand en mémoire à Bernard Haller, décédé vendredi, et à Macha Béranger, disparue dimanche, jour de la cérémonie. AP