Des îles « sentinelles » pour observer la biodiversité méditerranéenne

Des îles « sentinelles » pour observer la biodiversité méditerranéenne

Ornithologues la tête en l'air, herpétologues (spécialistes des reptiles et amphibiens) la tête en bas, botanistes la tête un peu partout... Une joyeuse tribu de scientifiques chevronnés a investi une semaine durant le cadre merveilleux et quasi sauvage de l'île du Rouveau, à Six-Fours.

« L'archipel six-fournais, avec le Gaou, le Rouveau et les Embiez, en zone Natura 2000, présente un intérêt patrimonial fort, explique ainsi Fabrice Bernard, chargé de la coopération internationale au conservatoire du littoral. Il a ainsi toute sa place parmi les 25 sites pilotes de Méditerranée occidentale. »

Le conservatoire poursuit en effet depuis 2005 une ambitieuse action d'inventaire terrestre et marin de la faune et la flore de vingt-cinq « îles sentinelles », dans le cadre de l'initiative PIM (1). Des études scientifiques ont ainsi déjà eu lieu sur des îles de Tunisie, d'Algérie, en Sardaigne, en Espagne, à Malte ou encore au Maroc.

« Ces petites îles représentent un patrimoine important sur les plans floristique, faunistique mais aussi historique et culturel, note Sami Ben Haj, coordinateur tunisien de l'opération. Ces écosystèmes sensibles sont facilement destructibles. » Les scientifiques ajoutent que l'intérêt de ces études est également économique. « La pêche est forcément concernée, car la majorité des poissons se reproduit par 30 à 40 centimètres de fond seulement, c'est-à-dire près des côtes. »

Le Grand Rouveau précurseur !

Le Grand Rouveau est la première île de Méditerranée française que nous étudions. « L'accueil de la municipalité six-fournaise et sa volonté en matière de protection de la biodiversité n'y sont pas étrangers. Par ailleurs, cette île, gérée par la commune, est la propriété du conservatoire du littoral depuis 2000 », indique Fabrice Bernard.

Depuis le début de la semaine, les fonds marins des abords immédiats de l'île sont ainsi passés au peigne fin, tout comme les quelques hectares de l'île. Les « griffes de sorcière », espèce invasive de plante grasse originaire d'Afrique du Sud, sont notamment éradiquées de sols abritant des essences rares.

L'équipe de neuf experts traque avec minutie la petite bête, la petite plante. Le phyllodactyle d'Europe, un petit lézard extrêmement rare, a fait le bonheur de l'herpétologue, tandis que la thymelée hirsute ou l'orobanche (parasite du lotus) régalent le botaniste. Quelques arapèdes géantes, espèce protégée qui a pratiquement disparu de nos côtes, ont aussi été observées.

Plus d'espèces endémiques qu'en Australie !

Nicolas et Huguette, de l'association Apir (Association de protection de l'île du Rouveau) accueillent les scientifiques venus de toute la Méditerranée, et leur donnent de précieuses indications sur sa faune et sa flore. « Quand le soleil vient frapper la porte en bois du garage, les phyllodactyles y trouvent souvent refuge », fait observer Nicolas, qui fascine l'ornithologue quand il évoque des nids d'engoulevents sur l'île, espèce menacée d'oiseau nocturne migrateur.

Une fois ce grand inventaire achevé, les scientifiques rédigeront un « schéma de gestion intégré terre-mer » du site. Puis reviendront à intervalles réguliers constater l'évolution des espèces.

« Nous ne sommes plus dans la philosophie des années soixante, où les sites à protéger étaient barricadés. Il ne s'agit plus d'interdire mais d'énoncer les bons comportements : on ne protège plus contre le public mais pour le public », ajoute Fabrice Bernard.

La semaine prochaine, l'équipe de scientifiques étudiera un îlot satellite de la presqu'île de Giens, en partenariat avec le parc national de Port-Cros. Puis ce sera la Lybie, la Tunisie, l'Algérie, etc.

« Il y a plus d'espèces endémiques autour des petites îles de Méditerranée qu'en Australie », observe Fabrice Bernard. Comme pour mesurer l'immensité et l'importance de la tâche...

1. Petites îles de Méditerranée.
Var-Matin